Exposition personnelle
LUX - SCÈNE NATIONALE DE VALENCE
Avec « Bleu », Patrick Laffont-DeLojo invite le visiteur à une errance contemplative entre les vides du monde, au coeur de sa chair. Proche du milieu des arts vivants, le plasticien mobilise ici son sens de la dramaturgie pour organiser la libre circulation des visiteurs dans un lieu repensé comme un espace scénique. Une installation immersive s’y articule à plusieurs séries photographiques pour constituer un théâtre de la présence, où la matérialité concrète est aussi importante que les interprétations symboliques qu’elle suscite. Le titre de l’exposition évoque une des couleurs de la trichromie primaire pour signaler le principe de réduction qui y est à l’oeuvre. Patrick Laffont-DeLojo fait en effet retour à un certain degré zéro de l’image vidéo, du paysage et du corps pour mieux inciter les visiteurs à s’approprier les œuvres. Son esthétique minimaliste sollicite en ce sens un regard qui devient toucher, par lequel même les formes les plus abstraites deviennent matières à sentir. Le bleu renvoie alors, dans un second temps, aux images du ciel et de la mer qui font de l’espace d’exposition une hétérotopie à part entière, un lieu ordinaire transformé par l’imaginaire qui le recouvre.
L’installation « Bleu U », déployée sur deux étages, propose une plongée dans une lumière bleue douce et enveloppante, offrant l’occasion d’un bain aussi céleste qu’abyssal. Devant beaucoup aux expérimentations de Peter Campus ou de Bruce Nauman, elle est équipée d’un système de capteurs et de diffusion vidéo qui enregistre en direct les silhouettes des visiteurs et les retransmet à un autre niveau, créant des effets d’ubiquité qui renforcent sa dimension onirique.
Le second corpus d’oeuvres présentées articule des séries photographiques qui bien qu’ancrées dans le concret reposent néanmoins sur un même principe de neutralisation. Emancipée des mécanismes d’identification habituels, elles décrivent des corps désarticulés au point de devenir masse informe, des détails organiques en gros plan ou des paysages plongés dans une atmosphère incertaine.
Placée entre images concrètes et concrétions imaginaires, « Bleu » jette un trouble dans la perception ordinaire pour mieux stimuler les rêveries individuelles du public. Patrick Laffont-DeLojo donne ici corps à une poésie brute où la sensibilité, sans prise véritable sur la matière, apprend alors à se réinventer.
Florian Gaité